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Page:Braddon - La Femme du docteur, 1870, tome II.djvu/281

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LA FEMME DU DOCTEUR

Gwendoline ; mais je pense que j’étais jalouse d’elle parce qu’elle osait aimer Roland. J’étais jalouse de l’amour qu’il lui montrait et je ne pouvais être ni bonne ni tolérante.

C’est ce qui explique pourquoi Isabel trouva Gwendoline si affable et si douce pour elle. Elle leva les yeux vers le visage de la grande dame avec une expression de reconnaissance. Elle oublia toute l’entrevue de Graybridge ; que pouvait-elle se rappeler dans cette chambre, sinon qu’il était malade ? dangereusement, lui avait-on dit ; mais elle ne pouvait le croire. L’expérience du lit de mort de son mari lui avait donné l’idée qu’une maladie dangereuse devait être accompagnée d’une prostration terrible, de délire, de fièvre, et d’abattement profond. Elle voyait Roland dans un de ses meilleurs moments, raisonnable, gai, calme, et elle ne pouvait croire qu’il allait mourir. Elle le regarda et vit que son visage n’était pas meurtri et que sa tête était enveloppée de bandages de linge qui lui cachaient le front. Une chute de cheval ! Elle se rappelait l’avoir vu une certaine fois passer à cheval sur la route poudreuse, sans se douter de sa présence, majestueux et absorbé comme le comte Lara ; mais au milieu de toutes ses rêveries, elle n’avait jamais pensé qu’un danger pouvait l’atteindre sous cette forme. Elle l’avait toujours imaginé cavalier indomptable, maîtrisant le coursier le plus fougueux, rien qu’avec un léger attouchement de la main sur le col. Elle le regarda tristement, et la vision de l’accident se dressa devant elle ; elle vit un cheval emporté à travers des terrains vagues éclairés par la lune, puis une chute, puis un homme traîné pantelant sur le sol. Elle avait vu cela quelque part ; c’était seulement