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Page:Braddon - La Femme du docteur, 1870, tome II.djvu/280

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LA FEMME DU DOCTEUR.

cruel, très-égoïste, très-injuste envers elle. Je ne gardais pas une heure la même pensée sur elle, — tantôt pensant à elle avec tendresse, tantôt la calomniant et la haïssant comme une perfide et une coquette. Mais, maintenant, je la comprends mieux et je crois en elle. J’entrevois le ciel là-bas, Gwendoline.

Si Roland avait raconté cette histoire à sa cousine une semaine auparavant, alors qu’il semblait avoir la vie devant lui, elle aurait pu accueillir la confidence d’une manière toute différente, mais il se mourait et elle l’avait aimé et avait été aimée de lui. C’était volontairement qu’elle avait perdu cet amour. Elle était la dernière femme qui dût lui garder rancune de son attachement pour une autre femme. Elle se rappela cette journée, écoulée depuis bientôt dix ans, pendant laquelle elle s’était querellée avec lui, piquée de ses reproches, dans toute l’insolence de sa jeune beauté et de la conviction qu’elle pouvait épouser un homme si fort au-dessus de Lansdell par le rang et la position. Elle se vit telle qu’elle avait été, dans toute la splendeur de sa beauté, et se demanda si elle était réellement la même créature que cette fille fière et mondaine qui voyait le triomphe suprême de la vie à devenir la femme d’un marquis.

— Je serai son amie, Roland, — répondit-elle. — Je sais qu’elle est très-enfant ; je me montrerai douce avec elle et je la consolerai, la pauvre délaissée.

En disant cela, Gwendoline pensait à cette entrevue dans le parloir du médecin à Graybridge, à cette entrevue pendant laquelle Isabel ne s’était pas fait scrupule d’avouer sa folie et sa faute.

— J’aurais dû me montrer plus douce, — pensait