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Page:Braddon - La Femme du docteur, 1870, tome II.djvu/284

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LA FEMME DU DOCTEUR.

— Vous voyez donc que les mauvaises langues de Graybridge avaient commis la bévue ordinaire, — avait ajouté Roland pour conclure ; — l’homme était un parent, — oncle ou cousin, je crois, — à ce qu’il m’a dit lui-même. Si j’avais été un homme bien élevé, j’aurais maîtrisé les soupçons indignes qui me rendaient fou ce soir-là. Quelles créatures vulgaires nous faisons pour la plupart, Raymond ! Nos mères ont confiance en nous, nous adorent, nous soignent et semblent croire qu’elles nous ont plongés dans une sorte de Styx moral, et qu’il y a quelque chose d’immortel qui a pénétré dans notre argile vulgaire ; mais viennent nos passions viles et nous tombons au niveau de ce navigateur qui assomme sa femme avec un tisonnier pour venger son honneur offensé. On nous enduit d’une sorte de vernis à Eton et à Oxford ; mais au-dessous la nuance est absolument la même, après tout. On trouve une fois dans un siècle un roi Arthur, un sir Philip Sidney, un Bayard, et le monde s’incline devant un vrai gentleman ; mais, hélas ! combien ce titre est rare ! J’ai besoin de votre pardon, — dit Roland à Isabel après qu’elle se fut assise dans le fauteuil que Gwendoline avait placé pour elle.

Il n’y avait dans la chambre que Raymond et Gwendoline ; Raymond lui-même s’était retiré dans l’embrasure d’une fenêtre qu’il avait partiellement ouverte et près de laquelle il s’était assis dans une attitude très-désolée, le visage tourné à l’opposé du lit de souffrances.

— J’ai besoin que vous me pardonniez d’avoir été injuste et cruel envers vous, madame Gilbert… Isabel. Ah ! je puis vous appeler Isabel, maintenant, et personne n’y trouvera à redire ! Les mourants pos-