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Page:Braddon - La Femme du docteur, 1870, tome II.djvu/306

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LA FEMME DU DOCTEUR.

l’inutilité des tentatives de consolation, et lui, qui avait si soigneusement étudié la nature humaine, savait qu’il était plus sage et plus convenable de la laisser seule. Mais, cette fois, il venait pour affaires et il était accompagné d’une personne d’aspect grave, qu’il présenta à Isabel comme le solicitor de feu M. Lansdell.

— Je viens vous donner d’étranges nouvelles, madame Gilbert, — dit-il ; — des nouvelles qui ne peuvent manquer de vous surprendre.

Elle regarda Raymond avec un triste sourire dont le sens ne lui échappa pas. Ce sourire disait clairement :

— Pensez-vous que ce qui peut m’arriver maintenant ici-bas puisse me surprendre ?

— Pendant la dernière journée que vous avez passée avec… lui, Isabel, — continua Raymond, — il vous a parlé très-sérieusement. Il avait changé… étonnamment changé à l’approche de la mort. On eût dit que ses dix dernières années avaient été effacées et qu’il ne restait plus que le jeune homme, entrant à peine dans la vie, plein de désirs et d’aspirations nobles. Dieu daigne lui pardonner ces dix dernières années ! Il vous a parlé très-sérieusement, mon enfant, et il vous a recommandé, si vous aviez jamais à votre disposition de grands moyens, ce qui n’était pas impossible, de les employer fidèlement pour l’amour de lui. J’ai entendu ces paroles et leur sens m’échappait alors ; maintenant, je le comprends parfaitement.

Il s’arrêta ; mais Isabel ne leva même pas les yeux. Les larmes coulaient lentement sur ses joues décolorées ; elle pensait à cette dernière journée passée à