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Page:Braddon - La Femme du docteur, 1870, tome II.djvu/311

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LA FEMME DU DOCTEUR

sentimentale en une femme bonne et noble, — une femme chez laquelle le sentiment revêt la forme la plus élevée de la sympathie et de la tendresse universelles ? Elle a fidèlement rempli le mandat, qui lui était confié. La fortune qui lui avait été léguée par un amant fidèle, qui s’imaginait avoir conquis la femme de son choix, et que son unique devoir était de mettre cette femme à l’abri de toute perte et de tout souci de ce monde, — la fortune léguée dans des circonstances aussi étranges, était devenue un dépôt sacré dont elle devait compte au défunt. Celui qui pleure connaît seul le bonheur indicible qu’emporte avec elle toute action faite par amour pour ceux qui ne sont plus. Notre foi protestante, qui ne nous permet pas de prier pour nos morts, ne peut nous défendre de consacrer nos bonnes œuvres à la mémoire de ces êtres chéris qui ne sont plus.

Raymond reporta sur Isabel quelque chose de cette affection qu’il avait pour Roland ; et lui et les orphelines, devenues d’estimables jeunes personnes de seize et dix-sept ans, passent la plus grande partie de leur temps au Prieuré de Mordred. Le cultivateur qui ne connaissait la femme du médecin que comme une jeune femme pâle de figure, assise à l’ombre d’une haie, une ombrelle verte sur la tête et un livre sur les genoux, a de bons motifs pour bénir la veuve du médecin ; car des maisonnettes modèles se sont élevées dans maintes parties de ce domaine qui avait appartenu à Roland, — jolies maisonnettes à la mode du temps d’Élisabeth, à pignons aigus, fenêtres gothiques, et fourneaux merveilleux qui cuisent un maximum d’aliments avec un minimum de chauffage. Des jardins potagers s’étendent çà et là sur des collines