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Page:Braddon - La Femme du docteur, 1870, tome II.djvu/312

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LA FEMME DU DOCTEUR.

peu escarpées et lorsque la promenade vous amène soudain dans quelque petit vallon touffu, on y découvre généralement un bâtiment d’école, solide construction moderne, entouré d’un jardin dessiné à l’antique, où se voient de grands poiriers noueux et une rangée de ruches dans un angle verdoyant abrité par des bouquets de sureau et de houx. Ces innovations terribles du labourage à la vapeur et des machines à battre elles-mêmes, n’ont amené aucun mécontentement chez les fermiers des environs de Mordred.

Sigismund Smith fait parfois une apparition au Prieuré de Mordred toujours en compagnie d’un buvard souillé et démoli, gonflé à rompre de quelque chose qu’il appelle de la copie, et d’une autre matière qu’il désigne sous le nom d’épreuves.

Des télégrammes de propriétaires furieux de journaux à un sou le poursuivent dans sa calme retraite ; et on a vu une certaine fois un gentleman très-facétieux, coiffé d’un chapeau gris, arriver par le train express, et déclarer d’une façon vague sa résolution de ne pas lâcher M. Smith jusqu’à la production d’un chapitre indispensable de la Fiancée du Bosphore, ou les Quatorze Cadavres de la mer Caspienne.

Il est très-heureux et très-souillé d’encre, et le promeneur rustique qui rencontre un monsieur à visage pâle et à l’air doux dans les sentiers verdoyants qui entourent Mordred, le chapeau posé en arrière et les yeux perdus dans le vague, ne devinera pas facilement en lui l’auteur délibéré d’un des plans de vengeance les plus atroces et accompli avec le sang-froid le plus révoltant qui ait jamais germé dans l’esprit humain et orné les pages richement illustrées d’un journal