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Page:Braddon - La Femme du docteur, 1870, tome II.djvu/313

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LA FEMME DU DOCTEUR

hebdomadaire à un sou. Smith trouve charmant de reposer à l’aise parmi les églantiers et le foin nouveau du Midland, tramant la toile sombre des crimes qu’il exécute plus tard sur le papier dans la solitude profonde de son logis du Temple. Il est toujours garçon et se plaint de ne pouvoir devenir amoureux, par la raison qu’il est obligé de tirer parti du nez et des yeux, des lèvres de corail et des bandeaux d’or ou de jais, — le vocabulaire de Smith ne renferme pas d’autres nuances, — de toutes les jeunes filles un peu présentables qu’il rencontre, pour suffire à la création de ses nombreuses héroïnes. « Mlle Binks ? » dira-t-il, par exemple, si on lui cite le nom d’une jeune personne, « oh ! oui ; c’est Bella la danseuse (un des romans à l’emporte-pièce, édités par Bickers ; les cinq premiers numéros et une magnifique gravure d’après les meilleurs tableaux de Landseer, pour un sou) ; je l’ai terminée la semaine dernière ; elle s’est empoisonnée avec de la poudre insecticide dans une mansarde près de Drury Lane, après avoir mis le feu à la maison ainsi qu’aux dépendances de son séducteur ; elle a duré cent treize numéros, et Bickers parle de me faire écrire une suite. Après tout, il peut exister un antidote contre la poudre insecticide, ou bien le garçon du marchand de couleurs a pu lui donner de la moutarde brevetée à la place, par erreur. »

Mais on a remarqué récemment que Smith s’occupe très-assidûment de l’aînée des orphelines, qu’il a déclarée digne d’être l’héroïne d’un journal illustré, et un sujet charmant pour un roman du genre domestique familier. En outre, il a consulté Raymond au sujet du placement de ses épargnes, que l’on suppose considérables ; car un homme qui vit principale-