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Page:Braddon - La Femme du docteur, 1870, tome II.djvu/32

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LA FEMME DU DOCTEUR.

voleurs et les assassins, les faussaires et les pickpockets, dont les hideux exploits racontés par le journal formaient la partie déplaisante de sa tranquille lecture dominicale. Mais il ne concevait même pas les vagues erreurs sentimentales, les dangers nuageux et les tentations indéfinies. Il avait vu sa femme charmée et heureuse de la société de Lansdell, mais la pensée que le plus petit dommage pour lui pouvait résulter de cette fréquentation n’était jamais entrée dans son esprit. Raymond avait fait la remarque qu’un homme doué de sentiments de moralité tels que ceux du jeune médecin, était né pour être trompé.

Le reste de la semaine s’écoula d’une façon singulièrement triste pour Isabel. Le temps était très-beau, implacablement beau ; et pour Mme Gilbert l’univers semblait un désert de poussière et de lumière crue. Sigismund se montrait très-bon pour elle et faisait de son mieux pour l’amuser, lui racontant les intrigues de maints romans en germe qui devaient plus tard avoir un grand retentissement dans Camden Town. Mais elle le regardait sans le voir, et ses paroles résonnaient à ses oreilles comme un vain bruit. Hélas ! où donc était le bruit de cette autre voix, — de cette autre voix qui faisait entendre une si douce mélodie ! Où était cette conversation charmante et sceptique sur l’inanité de la vie et la misère des choses en général ! Ce pauvre et naïf Smith se rendit positivement haïssable à Isabel pendant cette lamentable semaine, en raison des efforts qu’il fit pour la distraire.

— S’il me laissait tranquille et seule au moins ! — pensait-elle. — Si l’on avait seulement pitié de moi et si l’on me laissait à ma solitude !

Mais c’était précisément ce que chacun semblait dé-