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Page:Braddon - La Femme du docteur, 1870, tome II.djvu/31

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LA FEMME DU DOCTEUR

Ah ! quel beau rêve ç’avait été et combien le réveil était triste ! Pendant ce bienheureux rêve elle avait absolument oublié Édith Dombey : elle avait cessé d’aspirer aux robes de velours ponceau, aux couronnes de diamants, et aux appartements splendides ; pendant ce temps l’enfant sottement sentimentale était devenue femme ; simple et confiante, aveuglément oublieuse de toutes choses au monde excepté de son amour : mais maintenant toutes ses vieilles aspirations à la splendeur et à la beauté la reprirent à la fois. Si elle avait été semblable à Édith Dombey, il ne l’eût pas traitée ainsi, mais elle n'était rien que la pâle Florence, créée pour paraître gentille et être maltraitée.

Le pauvre Gilbert ne comprit absolument rien au mal de tête de sa femme qui était d’une nature singulièrement obstinée, car il dura plusieurs jours. Il lui donna des potions rafraîchissantes et des lotions pour son front qu’il trouva brûlant sous sa main d’homme du métier, froide et calme. Le pouls était rapide, la langue blanche, et le médecin la trouva bilieuse. Il n’eut pas le plus léger soupçon qu’un mal moral quelconque fût la cause de ces dérangements physiques. C’était une âme simple, et comme il était lui-même incapable du mal, il jugeait son prochain d’après un type de convention. Il pensait que les bons et les méchants formaient deux classes aussi complètement distinctes que les anges du ciel et les démons de l’enfer. Il savait qu’il existait quelque part dans l’univers des femmes qui trompaient leurs maris et se plongeaient dans le gouffre du vice, de même qu’il connaissait les sinistres antres du crime où gisaient les