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Page:Braddon - La Femme du docteur, 1870, tome II.djvu/48

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LA FEMME DU DOCTEUR.

— Quatre heures et demie, — pensa-t-elle. — Il fera nuit à six heures et j’ai une longue course à faire pour rentrer à la maison.

La maison ! elle frissonna à ces simples paroles que la langue anglaise a la gloire unique de rendre par un seul mot : home ! Le mot est incontestablement très-beau, sans doute ; surtout pour un gros propriétaire campagnard, — heureux possesseur d’un bon vieux manoir accompagné de ses prairies et de ses bois, de ses fermes et de ses constructions rurales modèles, de son parc touffu, de son lac étincelant, de ses merveilleuses laiteries encadrées de porcelaine, émaillées et égayées par le murmure charmant d’une fontaine.

Mais, pour Mme Gilbert, home signifiait une bâtisse carrée dans une ruelle poudreuse et ne devait jamais signifier rien de meilleur ou de plus brillant. Elle se leva, poussa un long soupir en prenant son chapeau et son châle sur une table à côté d’elle, et commença à s’habiller devant le miroir.

— Le parloir à la maison a l’air encore plus laid, plus nu, et plus misérable que lorsque je suis venue ici, — pensa-t-elle en se détournant de la glace et se dirigeant vers la porte.

Elle s’arrêta tout à coup. La porte du boudoir était entr’ouverte : toutes les autres portes de la longue enfilade d’appartements étaient ouvertes et elle entendait un bruit de pas venant rapidement vers elle : les pas d’un homme ! Était-ce un des domestiques ? Non ; les pieds d’un valet ne pouvaient frapper le sol avec cette démarche à la fois ferme et majestueuse. C’était alors le pas d’un étranger. Qui pouvait venir ce jour-là, sinon un étranger ? Il était bien loin — presque