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Page:Braddon - La Femme du docteur, 1870, tome II.djvu/84

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LA FEMME DU DOCTEUR.

ce que l’on dit de vous ; et vous n’avez donné que trop de motifs à ces soupçons. Pensez-vous que quelque chose puisse rester secret à Graybridge ? Pensez-vous que vos actions, vos pensées même puissent échapper aux regards scrutateurs des gens de province qui n’ont rien de mieux à faire que de surveiller les actions de leurs voisins ? — demanda Gwendoline avec amertume.

Hélas ! elle-même savait que son nom avait servi de sujet à mille cancans ; et que le grand désappointement que la mort de lord Heatherland lui avait fait éprouver, son âge, et la diminution de ses chances de gros lot à la loterie matrimoniale avaient été ouvertement discutés dans tous les ménages de la petite ville provinciale.

— Les gens de province découvrent tout, madame, — continua-t-elle. — Vous avez été suivie dans vos rencontres et dans vos promenades sentimentales avec M. Lansdell, et vous devez vous estimer très-heureuse que nulle personne officieuse n’ait pris la peine d’en informer votre mari.

Pendant tout ce temps, Isabel avait pleuré, amèrement pleuré, la tête penchée sur ses mains croisées ; mais, à la grande surprise de Gwendoline, elle la releva et regarda son accusatrice avec une expression d’indignation, sinon de défi.

— J’ai dit à George chaque… presque chaque fois que j’ai rencontré M. Lansdell, — s’écria-t-elle, — et George sait qu’il me prête des livres. Il lui plaît que j’aie des livres… des livres bons et instructifs, — dit Mme Gilbert étouffant ses sanglots de son mieux, — et je n’ai jamais pensé que quelqu’un pourrait être assez méchant pour imaginer qu’il y avait du mal