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Page:Braddon - La Femme du docteur, 1870, tome II.djvu/85

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LA FEMME DU DOCTEUR

dans ces rencontres. Je ne crois pas que personne ait jamais rien dit à Béatrice Portinari, bien qu’elle fût mariée, et que Dante l’aimât tendrement. Tout ce que je désirais, c’était le voir de temps en temps et l’entendre parler ; et il s’est montré très-bon, excessivement bon pour moi.

— Bon pour vous ! s’écria dédaigneusement Gwendoline. Connaissez-vous la valeur d’une bonté comme la sienne ? Avez-vous jamais entendu dire qu’il en soit arrive quelque bien ? Des bontés pareilles ont-elles jamais produit autre chose que l’angoisse, le malheur, et l’humiliation ? Madame Gilbert, vous parlez comme une enfant, ou bien comme une hypocrite. Savez-vous quelle a été la vie de mon cousin ? Savez-vous qu’il n’a pas de religion et qu’il fait rougir ses amis par des opinions qu’il ne prend pas la peine de cacher ? Savez-vous que son nom a été accolé avant vous à celui de femmes mariées ? Êtes-vous assez sotte pour penser que le nouveau caprice qu’il a pour vous soit autre chose que la fantaisie d’un homme du monde oisif et corrompu, qui est tout prêt à jeter la désolation dans le ménage le plus uni de toute l’Angleterre rien que pour avoir une nouvelle émotion, un nouvel aliment à la vanité qu’une foule de femmes insensées lui font tirer de son vice principal !

— Sa vanité !… — s’écria Mme Gilbert. — Oh ! lady Gwendoline, comment pouvez-vous dire qu’il est vaniteux ? C’est vous qui ne le connaissez pas. Ah ! si vous saviez comme il est bon, noble et généreux ! Je sais qu’il n’essayera jamais de me faire rougir par le moindre geste ou la moindre pensée. Pourquoi ne l’aimerais-je pas, comme on aime les étoiles qui sont si belles et si loin de nous ? Pourquoi ne lui vouerais-je pas le culte