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Page:Braddon - La Femme du docteur, 1870, tome II.djvu/88

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LA FEMME DU DOCTEUR.

— vous avez dit l’autre jour que les vôtres étaient presque usées, — je vous les ferai volontiers moi-même. J’aidais à faire celle de mes frères, et je ne pense pas que je sois aussi maladroite aujourd’hui qu’autrefois. Et puis, George, Mathilda parlait aujourd’hui de votre mère, et je voulais vous demander de quelle maladie elle était morte.

Gilbert caressa la main de sa femme et la reposa doucement sur la couverture.

— C’est un triste sujet, ma chère enfant, — dit-il, — et je ne pense pas que cela nous fasse du bien à l’un ou à l’autre de nous entretenir là-dessus. Quant aux chemises, ma chère amie, tu es fort aimable de te proposer pour les faire ; mais je doute que tu t’en tires aussi bien que l’ouvrière de Wareham qui a fait les dernières. Elle est très-raisonnable, et, de plus, elle est infirme, la pauvre femme ; de sorte qu’il y a une sorte de charité à l’occuper. Allons bonsoir, Izzie ; tâche de dormir et ne te casse pas la tête inutilement.

Il s’éloigna, et Isabel écouta ses épaisses bottines craquer sur les marches de l’escalier, puis dans la direction du laboratoire. Il venait de cet endroit avant sa visite à sa femme, et il laissait derrière lui une vague odeur de pharmacie. Ah ! comme cette odieuse odeur de séné et de fleurs de camomille évoquait un magique parfum exotique qui avait flotté de ses cheveux vers elle un certain jour qu’il baissait la tête pour écouter son bavardage ! Et maintenant le séné et la camomille devaient embaumer son existence. Elle ne devait plus jouir de cette double existence mystique, de ces délicieux coups d’œil sur le pays des songes, qui balançaient la tristesse du monde vulgaire qui l’entourait.