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Page:Braddon - La Femme du docteur, 1870, tome II.djvu/89

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LA FEMME DU DOCTEUR

Si elle avait pu mourir et que tout eût été fini ! Il y a dans la vie, certains moments pendant lesquels la vie semble l’unique issue d’un affreux labyrinthe de chagrin et d’horreur. Je crois qu’il n’y a que les gens d’esprit très-faible, — créatures pleines de doute et d’hésitation, comme Hamlet, prince de Danemark, — qui souhaitent la mort et tranchent facilement toutes les difficultés ; mais Isabel n’était en aucune façon un esprit fort, et elle pensait avec un sentiment d’envie plein d’amertume à telle ou telle vulgaire femme jeune qu’elle avait vue languir et s’éteindre de la très-intéressante maladie des poumons, tandis qu’elle aspirait si inutilement après ce grand remède qui eût si sûrement mis fin à toute affection cruelle. Mais il y avait quelque chose, — une chose au monde qui valait encore l’ennui et la fatigue de l’existence, — l’entrevue avec lui, — cette entrevue devait être en même temps une éternelle séparation. Elle le reverrait encore une fois ; il la regarderait avec un regard mystérieux, — les yeux de Zanoni lui-même pouvaient à peine être plus mystiquement sombres et profonds. Elle le verrait, et peut-être ce singulier mélange de joie et de souffrance serait-il plus fatal qu’un mal terrestre et tomberait-elle morte à ses pieds, regardant jusqu’au dernier moment la sombre splendeur de son visage, mourant sous le charme de sa voix douce et harmonieuse. Puis, avec un frisson, elle se rappela ce que Gwendoline avait dit de son demi-dieu : « Dissolu et irréligieux ; vaniteux et égoïste ! » Oh ! calomnie, cruelle calomnie !… Calomnie de femme jalouse, peut-être, de femme qui l’avait aimé et qui avait été dédaignée. La femme du médecin ne voulait croire à aucun des blasphèmes prononcés