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Page:Braddon - Les Oiseaux de proie, 1874, tome I.djvu/101

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LES OISEAUX DE PROIE

n’en tira de conclusions fâcheuses, et Anna partit gaillardement avec le gentilhomme. Cette fois, il était bien son mari. Elle était enchantée, très-fière, et son bonheur eût été parfait, si de temps en temps l’image de sa mère indignée n’était venue en troubler la quiétude.

Le capitaine conduisit sa femme dans un charmant appartement dans Mayfair, et elle fut surprise de l’entendre dire à la propriétaire que lui et sa femme arrivaient du comté de Devon, et qu’ils avaient l’intention de rester une semaine ou deux à Londres, en passant, avant de se rendre sur le Continent.

« Ma femme a passé la plus grande partie de sa vie à la campagne, dit le capitaine, il faut donc que je lui fasse voir un peu Londres, malgré cet horrible temps. Mais le diable s’en mêle, mon domestique n’a pas compris mes ordres, et il est parti tout droit pour Paris avec mes bagages. Nous pouvons cependant réparer tout cela demain. »

Rien ne peut rendre les mines courtoises et humbles avec lesquelles la propriétaire accueillit les paroles du capitaine. Celui-ci lui avait d’ailleurs offert des répondants, et les gens qu’il avait cités étaient tout bonnement les premiers du pays. Le capitaine connaissait assez la nature humaine pour savoir que si les répondants en imposent souvent, il est très-rare qu’on aille les chercher.

À dater de ce jour, jusqu’à l’heure de sa mort, Anna n’entendit que très-rarement son mari dire une chose qui fût vraie. Il s’était rangé parmi les bêtes de proie. C’était un gentilhomme pauvre qui s’était couché malade chez Mme Kepp, mais c’était un bandit, un homme prêt à tout, une sorte de fauve qui s’était levé de son lit de douleurs.