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Page:Braddon - Les Oiseaux de proie, 1874, tome I.djvu/209

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LES OISEAUX DE PROIE

« Matthieu Haygarth… voilà notre homme, » dit-il.

Déjà il était sur le pied de camaraderie avec le fils de l’épicier comme si ç’eût été un vieil ami.

« Matthieu Haygarth… voilà ce qu’il nous faut ; mais, comment ferons-nous pour découvrir ses faits et gestes à Londres ? Un homme qui est né en 1720 est un bien vieil animal.

— Le secret du succès dans ces sortes d’affaires est le temps, répondit sentencieusement l’avocat. Il faut qu’un homme ait tout son temps à lui et le cerveau libre de toute autre préoccupation. Ces deux conditions sont impossibles pour moi, et voilà pourquoi j’ai besoin d’un collaborateur. Or, vous êtes un habile garçon, sans profession, libre comme l’air, autant que je puis en juger, ergo, vous êtes le merle blanc. Nous réussirons, considérez la chose comme certaine. Ce n’est absolument qu’une question de temps. En réalité, lorsque l’on considère philosophiquement la vie, qu’y a-t-il sur terre qui ne soit pas une question de temps ? Donnez à un balayeur des rues du temps devant lui, et vous pourrez en faire un Rothschild. Il se peut qu’il ait besoin de neuf cents ans pour y parvenir, mais donnez-les-lui, et il arrivera. »

Sheldon devenait expansif sous l’influence des grogs.

« Pour ce qui concerne ce Haygarth, reprit-il après avoir bu encore, le succès est certain si nous nous y prenons bien. Trois mille livres ne sont pas à dédaigner, reprit George d’un ton persuasif, lors même qu’on est obligé de les attendre un peu.

— Certainement non… et le montant de la fortune des Haygarth… je suppose que ce doit être quelque chose de très-respectable, répliqua Valentin sur le même ton.