Page:Braddon - Les Oiseaux de proie, 1874, tome I.djvu/224

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
220
LES OISEAUX DE PROIE

Il ne pouvait résister à la tentation de parler de son absence comme si elle devait être éternelle, et non plus il ne pouvait résister au plaisir de sonder les plus pures profondeurs de ce cœur si jeune et si frais. Mais lorsqu’il se sentit enveloppé par le triste regard de Charlotte, son cœur à lui, se fondit, et il n’eut plus le courage de jouer avec son amour.

« Je m’en vais pour une affaire, qui pourra me prendre plus ou moins de temps, mais pas plus de quelques semaines. »

Charlotte eut un soupir de soulagement.

« Et, allez-vous bien loin ?

— À une certaine distance ; oui… à… à cent cinquante milles d’ici à peu près. »

Valentin avait de l’hésitation dans la voix. Il lui avait été facile d’inventer la vieille tante Sarah pour mystifier l’astucieux Horatio ; mais il lui répugnait de mentir à Charlotte de propos délibéré. La jeune fille, très-étonnée, le regardait, ne comprenant pas pourquoi il ne lui disait pas où il allait, ni ce qu’il allait faire.

Elle était affligée de la pensée qu’elle ne le verrait plus, qu’il disparaîtrait de sa vie. Il parlait de quelques semaines… mais, qui sait ? c’était peut-être pour toujours. Sa vie qui s’écoulait au milieu des banalités niaises de sa mère et des préoccupations de son beau-père, était triste, monotone, et la venue de ce beau cavalier un peu bohème, l’avait éclairée d’un gai rayon de soleil.

Charlotte demeura silencieuse. Elle s’aperçut qu’elle était en retard.

« Je crois qu’il faut nous presser de rentrer, Diana ! fit-elle.

— Je suis prête, répondit vivement Diana. Adieu, Valentin.