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Page:Braddon - Les Oiseaux de proie, 1874, tome I.djvu/23

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LES OISEAUX DE PROIE

étaient amples et empestaient toujours le tabac. Il portait des bijoux, des breloques, des boutons de chemise, des épingles, des chaînes pendantes, et des trousseaux de clefs de montre. Ses favoris étaient plus épais que ceux de son frère, et il portait des moustaches, une belle paire de moustaches touffues, crânement retroussées, qui auraient mieux fait sous le nez d’un capitaine de guérillas que sous celui d’un paisible citadin. Sa situation comme avocat n’était guère meilleure que celle de son frère comme dentiste ; mais il avait ses plans pour arriver à la fortune et il espérait en faire une beaucoup plus belle que celle qu’opèrent ordinairement les membres du barreau. Il s’était mis à la poursuite des généalogies, à la recherche des faits oubliés, des moyens de renouer des anneaux rompus ; c’était une sorte de résurrectionniste légal, un piocheur dans les cendres et la poussière du passé ; il se disait qu’avec le temps il découvrirait un trésor qui le dédommagerait du travail et de la patience qu’il aurait déployés la moitié de sa vie.

« Je puis me résigner à attendre ma bonne chance jusqu’à l’âge de quarante ans, disait-il quelquefois à son frère dans ses moments d’expansion. Il me restera encore dix ans pour en jouir, et vingt de plus pour faire de bons dîners, boire de bon vin, et déblatérer à la manière des vieux contre la décadence de toutes choses.

Ils se tenaient debout aux deux côtés de la cheminée. George regardait son frère, pendant que Philippe fixait sur le foyer ses yeux couverts par ses lourds sourcils. Le feu était presque éteint, George se baissa et se mit à l’activer nerveusement.

« S’il est quelque chose que je haïsse par-dessus tout,