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Page:Braddon - Les Oiseaux de proie, 1874, tome I.djvu/22

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LES OISEAUX DE PROIE

ordonnaient, et elle a épousé Tom par la même raison. Je ne crois pas non plus qu’elle ait été bien heureuse avec lui.

— Il n’y a qu’elle qui puisse le savoir, répondit tristement Philippe ; ce que je sais, moi, c’est que j’ai grand besoin d’une femme riche, car mes affaires vont aussi mal que possible.

— La pêche n’a pas été bonne, hein ?… La vieille douairière n’est pas revenue ?… Pas beaucoup de commandes de râteliers à dix guinées ?

— J’ai reçu l’année dernière à peu près soixante-dix livres, dit le dentiste, et mes dépenses sont d’environ cinq livres par semaine. J’ai couvert la différence avec l’argent que j’avais pour m’établir, espérant que je pourrais me soutenir et me faire une clientèle ; mais la clientèle diminue tous les ans. Je crois que dans le commencement on est venu à moi à cause de la nouveauté ; car, pendant les premiers douze mois, cela n’a pas été trop mal ; mais maintenant, autant vaudrait jeter son argent par la fenêtre, que de l’employer en circulaires et en annonces.

— Ainsi, une femme jeune, avec vingt mille livres et une mâchoire à mettre en état, ne s’est pas encore présentée ?

— Non ; ni une vieille non plus. Je ne regarderais pas à l’âge, si elle avait de l’argent, » répondit Philippe avec amertume.

George leva les épaules et plongea ses mains dans les poches de son pantalon, avec un geste de désespoir tout à fait cocasse. Il était le plus jeune des deux, et affectait dans son costume, ses manières, et son langage, un certain air de maquignon fort différent de la tenue et de la mise étudiées de son frère. Ses vêtements