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LA VIE DE FAMILLE

jour ; ce qu’on fait, en sus est compté et payé à part. Les femmes jouissent des mêmes droits que les hommes, votent, participent à la confection des lois, aux décisions. « Mais, ajouta madame A…, nous avons été tellement occupées par nos soins domestiques, que nous nous sommes peu souciées jusqu’ici de prendre part aux affaires. Nous les avons abandonnées aux hommes. »

Quiconque se présente pour faire partie de l’association peut être accepté après une année d’épreuve passée dans le Phalanstère, et durant laquelle il s’est montré persévérant dans le travail, dans l’amour et la bienveillance fraternels. On ne s’inquiète ni de sa religion, ni de son état, ni de sa vie passée. L’association fait une nouvelle expérience de la vie sociale économique, adopte l’amour actif de l’humanité comme moteur dirigeant, et veut qu’il décide de tout. Elle veut recommencer la vie pour ainsi dire, essayer d’en découvrir les lois par l’expérience. Comme certaines plantes, elle végète du dehors en dedans ; mais il me semble que son principe est bien autrement incertain que celui de ces plantes.

Le soir, invitée à exprimer ma pensée sur cette association, j’émis franchement mon opinion sur ce qu’elle avait de défectueux, par l’absence de toute confession religieuse et de culte, en ne prenant pour base que le principe moral, dont la validité pouvait être facilement contestée, puisqu’il n’était pas appuyé sur une vie éternelle au-dessus de la terre et du temps, sur une loi éternelle dont la garantie se trouve surtout dans le législateur homme et Dieu. « Le serpent entrera un jour dans votre paradis, et alors — avec quoi le chasserez-vous ? » Je dis aussi que j’avais éprouvé, le matin, combien une vie de travail me semblait vide et desséchée quand elle ne se rapporte pas en même temps à