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Page:Bremer - La Vie de famille dans le Nouveau-Monde vol 1.djvu/148

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LA VIE DE FAMILLE

Étaient-ils durs à votre égard ? » — « Non, répondit-elle, ils m’ont toujours bien traitée ; mais je me suis enfuie parce qu’ils ne voulaient pas m’accorder les droits d’une créature humaine. On ne m’a jamais rien fait apprendre, ni à lire, ni à écrire. » On remarquait chez elle l’amour de l’instruction propre à la race blanche. « Comment se fait-il, dit quelqu’un de la compagnie au nègre, que des voyageurs venant du Sud, où ils ont séjourné longtemps dans les plantations, assurent que les abolitionnistes ne disent pas la vérité en soutenant que les nègres sont maltraités, conduits à coups de fouet, et qu’ils n’ont jamais rien vu de pareil ?… » William sourit et répliqua avec une expression de finesse : « On ne donne pas le fouet aux enfants en présence des étrangers, mais lorsque ceux-ci sont loin » Ni l’un ni l’autre de ces ci-devant esclaves ne se plaignent de leurs maîtres. Quoique je doive, comme tout chrétien bien pensant, condamner l’esclavage sous le point de vue de système et d’institution, j’attendrai, pour émettre une opinion à cet égard, que j’aie vu de plus près les esclaves et les propriétaires d’esclaves. Grâce à l’expérience je me méfie de l’esprit de parti et de son aveuglement : quand je le vois en activité, je ne puis pas le suivre, et me sens au contraire portée à la contradiction. Je veux voir et entendre le pour et le contre sur cette question. Justice et raison avant tout.

J’ai passé deux soirées au spectacle et vu mademoiselle Charlotte Cushman, — la première actrice des États-Unis, — dans deux rôles où elle produit beaucoup de sensation, Meg-Merrilies et lady Macbeth. Dès mon arrivée à New-York, mademoiselle Cushman m’avait écrit pour m’offrir amicalement ses services en quoi que ce fût. À Boston elle m’a donné une loge, ce qui m’a été fort agréable, puisque