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LA VIE DE FAMILLE

Je vais aussi le donner un échantillon de la doctrine d’Émerson sur les rapports entre amis et sur l’amitié, car cette doctrine vivra en moi et sera le vent favorable qui me fera avancer sur la route que j’ai choisie depuis quelque temps.

« S’il était possible de vivre dans des rapports justes avec les hommes, si nous pouvions nous abstenir de leur demander des éloges, leur assistance, leur intérêt, et nous contenter de les contraindre à nous les accorder par la force des lois les plus nobles, ne pourrions-nous pas alors être en relation avec un petit nombre de personnes,—avec une seule,—en suivant une règle non écrite, et faire l’essai de son efficacité ? Ne pourrions-nous pas donner à notre ami le certificat d’estime, de la vérité, du silence, de l’attente ? Aurions-nous besoin d’être si ardents à sa recherche ? Si nous sommes parents, nous nous rencontrerons. On disait dans l’antiquité qu’il n’y avait pas de métamorphose qui pût cacher un dieu à un autre dieu. Les amis, de même, suivent une loi divine de la nécessité ; ils gravitent l’un vers l’autre irrésistiblement. Leurs rapports ne se font pas, ils sont consentis.

« La société est pervertie quand on se donne de la peine pour la réunir ; et ce n’est pas alors la société, mais une basse et ignoble agglomération, quand même elle se composerait de grands esprits. Ce que chaque individu a de grand est tenu à l’écart, et la faiblesse de chacun est en activité : c’est comme si les dieux de l’Olympe devaient se rencontrer pour faire échange de tabatières d’or. Lorsque les rapports sont nobles, le moment est tout.

« Une personne divine est la prophétie de l’âme ; un ami, c’est l’espérance du cœur. Notre félicité attend qu’ils se réunissent pour n’être plus qu’un. Les temps commen-