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Page:Bremer - La Vie de famille dans le Nouveau-Monde vol 1.djvu/20

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LA VIE DE FAMILLE

beaucoup seule, j’ai une jolie cabine à moi, et puis y lire le jour moyennant la lumière qui me vient par la fenêtre en cristal du plafond. Le soir et la nuit elle est éclairée par une lampe à travers une vitre dépolie placée dans un angle de la cabine. Quand on le veut, on peut manger et boire ici pendant toute la journée ; la table est continuellement mise et rajustée : un repas succède immédiatement à l’autre. Tout est riche, joli, et nous vivons en vérité avec splendeur. Mais ce superflu ne me plaît pas, et le dîner est un tourment pour moi : j’y suis enchâssée contre un mur et entre deux messieurs qui ne disent mot et mangent sans désemparer ; l’un d’eux, un Anglais, serait un causeur parfait s’il le voulait. La traversée me coute trente-cinq souverains, tout compris. Un peu moins d’argent à donner, un peu moins à manger et à boire, me plairait davantage.

Plus tard.

Je viens de voir le soleil se coucher dans l’Océan, la lune et les étoiles se lever. La grande Ourse et l’Étoile polaire sont maintenant éloignées de moi ; mais je vois, perpendiculairement au-dessus de ma tête, la Croix et la Lyre, près d’elles l’Aigle, que nous voyons aussi au-dessus de nous à la maison ; on a lieu d’être satisfait quand on a de pareils compagnons de route. Le vent est bon, nous chauffons bien, et nous marchons avec la rapidité de la foudre, toutes les voiles déployées. En continuant ainsi nous arriverons au bout de douze ou treize jours. J’espère que tu as reçu mes deux lettres d’Angleterre ; la dernière est partie de Liverpool le matin du jour où je me suis embarquée. Quoique seule pour prendre toutes les dispositions nécessaires, je m’en suis bien tirée ; le soleil et mon petit lutin