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Page:Bremer - La Vie de famille dans le Nouveau-Monde vol 1.djvu/22

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LA VIE DE FAMILLE

core de même à présent. La journée d’hier a été magnifique du commencement à la fin, et j’en ai joui d’une manière inexprimable.

Au milieu de ce groupe confus de figures humaines indifférentes qui frappèrent d’abord mes regards, il en est plusieurs dont les yeux, l’air, les discours m’ont attiré. L’une de ces personnes est un grand et respectable ecclésiastique de New-York, appelé John Knox ; il me paraît avoir un peu de la nature puritaine et sévère du Knox historique, unie cependant à beaucoup de bienveillance. Ensuite vient une famille, aussi de New-York, composée d’une mère, de sa fille et de son gendre, jeune et joli couple qui pour son voyage de noce a visité l’Egypte, la Grèce, l’Italie, la France, etc., dans l’espace de dix-huit mois, et n’a pas vu le Niagara et autres merveilles de son propre pays ; ceci me semble impardonnable. La mère revient chez elle avec la conviction que l’espèce humaine est à peu près la même partout. Cette famille et M. Knox sont de l’Église presbytérienne, et n’accordent pas aux Unitaires le nom de chrétiens. Il y a encore deux jeunes femmes de la Géorgie (l’un des États méridionaux à esclaves de l’Union américaine), l’une jolie femme mariée, l’autre jeune personne très-pâle aux traits fins. Hannah L… est instruite, sensée, agréable ; j’ai du plaisir à causer avec elle. Quoique d’une famille qui possède des esclaves, Hannah L… condamne l’esclavage et travaille à rendre les noirs meilleurs et plus heureux. Elle est malade de la poitrine, ne s’attend pas à vivre longtemps, et va au-devant de la mort avec le courage le plus paisible. On voit dans ses yeux l’ange futur, et poindre sur ses traits délicats la tête de mort d’une façon sinistre. Puis quelques hommes âgés a physionomies loyales et dignes ; ils m’assurent que je retirerai beau-