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Page:Bremer - La Vie de famille dans le Nouveau-Monde vol 1.djvu/224

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LA VIE DE FAMILLE

rah, Wala[1], la Sybille, Égérie (pour citer seulement quelques-uns des types les plus anciens), indiquent aux femmes du Nouveau-Monde la route qu’elles devraient suivre pour parvenir à un pouvoir, à une influence publique. Si elles sentent que ces hautes facultés leur manquent, elles feront mieux de se tenir à l’écart et dans le silence. Quel pouvoir est plus grand que celui de l’amour, de la bonté raisonnable ? L’aigle et la colombe, je l’ai ouï dire, sont, de tous les oiseaux, ceux dont le vol est le plus prolongé et le plus rapide pour atteindre leur but.

L’auditoire de mademoiselle Lucy Stone était bienveillant ; il écouta avec attention, applaudit à la fin du discours, mais modérément. On loua sa facilité d’élocution, la convenance de sa personne ; ce fut tout : on ne pouvait pas aller au delà. Le tout ne valait pas grand’chose.

Les orateurs hommes qui se succédèrent donnèrent plus de vie et d’intérêt à la discussion ; mais ils me blessèrent par leur manque de modération, de justice, en appelant par leur nom, et même en cherchant et en indiquant du doigt dans les galeries, les personnes qui ne les suivaient pas dans leur travail d’abolitionistes. Je fus blessée d’entendre profaner la vie de famille en divulgant des divergences d’opinions entre père et fils sur cette question, et par d’autres infractions à ce principe divin de la morale : « Ne jugez pas ! » Cette polémique fut poussée avec beaucoup d’excès, de personnalités ; mais tout se passait cependant avec animation et gaieté. Ces rapports entre orateurs et auditoire étaient on ne peut plus libres et plus intimes. Le légiste Wendel Philipps paraît être très en faveur, et c’est véritablement un orateur richement doué,

  1. Antique sorcière scandinave. (Trad.)