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Page:Bremer - La Vie de famille dans le Nouveau-Monde vol 1.djvu/30

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LA VIE DE FAMILLE

Le jour suivant, le temps fut couvert ; l’Océan et le ciel étaient gris, las vagues couleur de plomb. Mais, lorsque nous entrâmes dans le grand et beau port de New-York, qui nous serrait pour ainsi dire dans ses bras, le soleil sortit des nuages fort et chaud ; tout brillait au loin. Magnifique réception qui m’était faite par le Nouveau-Monde ! Il y avait dans l’air quelque chose de si singulièrement vivace, de petillant, de jeune, que j’en fus frappée. On aurait dit la vie de la première jeunesse, — ce qu’on éprouve à quinze ou seize ans. Je humai cet air, véritable nectar, tandis que du tillac je contemplais le rivage nouveau, dont nous approchions rapidement. Il était bas ; une forêt de mâts me cachait encore New-York, mais je voyais ses clochers, la fumée de ses cheminées ; à droite et à gauche du port, on apercevait avec leurs vertes collines, leurs faisceaux de jolis villas et maisons, les grandes îles de Long-Island à droite, et de Staten-Island à gauche ; celle-ci me parut plus montueuse et boisée que le reste de la côte. Le port est magnifique, et notre arrivée ressemblait à une fête, grâce au soleil et à la douceur du vent.

Une charmante famille de la Géorgie, appelée Bones, me prit comme par la main avec tout ce qui m’appartenait, et me conduisit avec la plus grande bienveillance à Astorhouse, où nous trouvâmes de suite des chambres. La jeune fille pâle et moi, nous en primes une au quatrième : c’était la seule qu’on pût nous donner. Je n’étais pas à Astorhouse depuis un quart d’heure, et me tenais encore avec mes compagnons de voyage dans un petit salon, quand un monsieur brun, à l’air et aux manières nobles, ayant les plus beaux yeux noirs du monde, s’approcha de moi doucement, et m’appela par mon nom avec une voix des plus melodieuses. C’était M. Downing, venu de sa villa sur