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Page:Bremer - La Vie de famille dans le Nouveau-Monde vol 1.djvu/300

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LA VIE DE FAMILLE

par la perspective que ses paroles ouvraient. Nous voltigeâmes ainsi dans le monde entier, pas toujours d’accord, mais en bonne intelligence ; et cette journée dans les bosquets embaumés de Belmont, sur les bords de l’Ashley, a été charmante. J’ai appris ici à connaître l’arbre à ambre et autres, ainsi que plusieurs plantes nouvelles pour moi, dont madame Holbrook me disait les noms et les qualités. La science de la nature lui a fait voir plus en grand la vie de la terre, sans détourner son regard de la vie du ciel. Pour elle, la terre est un poëme qui, dans ses diverses formes, rend témoignage de son auteur et créateur ; cependant ce n’est pas dans la vie naturelle que madame Hollbrook voit ce témoignage, mais dans la haute et calme figure qui, une fois sortie des ombres de la vie, s’est présentée à ses regards et, en liant le temps avec l’éternité, lui a rendu la vie lumineuse et grande. Madame Hollbrook est un penseur de l’école de Platon, qui sait voir (et c’est rare) des choses dans le systeme du monde, des rapports différents aboutissant à un centre commun. Nous sommes tombées parfaitement d’accord sur l’éducation des femmes dans ce pays (et partout). On leur donne une foule de connaissances spéciales, et non pas de système. Beaucoup de latin, de mathématiques, de physique, etc., etc., et pas de point central philosophique sur lequel ces sciences puissent s’appuyer, nulle application de celles-ci à la vie, et aucune occasion, le temps de l’école fini, de faire usage de ces connaissances d’une manière pratique. Aussi disparaissent-elles de l’âme comme des fleurs ou des feuilles sans racines arrachées à l’arbre de la science, quand les jeunes élèves passent de l’école dans la vie. Ou bien, si elles se souviennent de ce qu’elles ont appris, ce n’est qu’une œuvre de mémoire, et non pas une séve pénétrante,