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Page:Bremer - La Vie de famille dans le Nouveau-Monde vol 1.djvu/328

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LA VIE DE FAMILLE

seule avec mes hôtes. Chaque matin, il y a sur la table du déjeuner, à côté de mon couvert, un petit bouquet de fleurs odoriférantes, la plupart du temps d’oléa fragans péruvienne (on ne peut rien sentir de plus suave) cueilli par M. Poinsett. Chaque soir, je suis seule avec lui et madame Poinsett, lisant et causant avec le mari, ou bien racontant des histoires à sa compagne, en lui donnant des énigmes à deviner, ce qui l’amuse beaucoup. J’ai voulu faire connaître un peu mes amis transcendantalistes et idéalistes de New-York à M. Poinsett, et lui ai lu quelques passages des Essais d’Émerson. « Ils veulent, dit-il, des choses impraticables. » Il les critique souvent avec injustice, et nous nous querellons. Cependant M. Poinsett est frappé des « aphorismes » brillants d’Émerson et veut acheter ses ouvrages. C’est une chose remarquable comme les écrivains du Nord sont peu ou pas connus, même les meilleurs, dans le Sud. On craint de faire pénétrer leurs idées de liberté dans les États à esclaves.

M. Poinsett a beaucoup voyagé en Europe, en Amérique, et soutient que rien, même les plus grandes scènes naturelles du Mexique et de l’Amérique du Sud, n’est comparable à la Suisse sous le rapport de la beauté pittoresque. La Suisse est le seul pays de la terre que M. Poinsett désire revoir encore une fois, et où il aimerait à passer ses derniers jours. Le grand homme d’État de la Caroline, et presque adoré par elle, Calhoun, n’a, dans la pensée de mon hôte, que de l’ambition. Sa vie si active paraît avoir été une lutte au service de cette dernière, et sa mort (il vient de mourir à Washington) est une suite de la guerre politique au milieu de laquelle il a constamment vécu.

Je passe la plus grande partie de la matinée dans le jardin, parmi des fleurs, des oiseaux, des papillons, qui me