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Page:Bremer - La Vie de famille dans le Nouveau-Monde vol 1.djvu/339

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DANS LE NOUVEAU-MONDE.

ties. Cette danse a cependant été défendue par les prêtres, et cessa bientôt après notre entrée dans la tente. Je ne vis que les mouvements balancés de ces femmes, qui se tenaient par la main et formaient une chaîne en chantant. Dans une quatrième, on entendait un chant pieux en canon et parfaitement exécuté. Dans la cinquième, une grosse négresse allait et venait seule en soufflant ; elle était enrouée, soupirait, et s’écriait en se parlant à elle-même : « Oh ! combien je voudrais pouvoir me sanctifier ! » Auprès de quelques tentes, on s’était réuni autour des feux, et ici il y avait visites, saluts, causeries amicales et gaies, avec des voix d’une tendresse mélodieuse, et en même temps un esprit calme, affectueux, que nous retrouvâmes partout où nous nous arrêtâmes pour échanger quelques mots. Les noirs ont quelque chose de bon et de chaud qui me plaît infiniment ; on voit qu’ils sont enfants d’un soleil ardent. On était beaucoup plus calme dans le camp des blancs. Des familles étaient assises à des tables bien servies. Enfin, nous retournâmes dans notre tente, où nous nous couchâmes sur des matelas étendus à terre, ma bonne hôtesse, sa fille de treize ans et moi. Grâce à quelques petites pilules blanches de Downing, j’achevai parfaitement cette nuit fiévreuse.

Au lever du soleil, j’entendis quelque chose de semblable au bourdonnement d’une immense guêpe prise dans une toile d’araignée. C’était une trompe donnant le signal de se mettre en marche. À cinq heures et demie, j’étais levée et dehors. Les hymnes des nègres, qui avaient continué pendant toute la nuit, se faisaient encore entendre. Le soleil était chaud, l’air étouffant et la forêt très-animée. On faisait la cuisine, on déjeunait près des feux, et l’on commençait à se réunir sur les bancs du tabernacle. À