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Page:Bremer - La Vie de famille dans le Nouveau-Monde vol 1.djvu/367

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DANS LE NOUVEAU-MONDE.

ques ; si au milieu de chacune d’elles jaillissaient de frais jets d’eau, brillant au soleil et arrosant leurs bancs de gazon ; si Savannah pouvait être surnommée la ville aux eaux jaillissantes, il n’y en aurait pas au monde de plus jolie. Maintenant il y fait trop chaud ; il y a trop de sable et pas assez d’eau. Cependant j’aime Savannah : j’y trouve une vie intellectuelle plus vigoureuse, une manière de voir plus libre, plus large, surtout en ce qui se rapporte à la grande question, — l’esclavage, — qu’à Charleston. Je connais ici des gens parfaits qui regardent la question en face, et, quoique possesseurs d’esclaves, dont ils ont hérité de leurs parents, ils travaillent à leur instruction, à leur affranchissement, à leur colonisation. Dans le commencement, bien des personnes m’ont fait souffrir, en essayant de me faire adopter leurs vues étroites, par leur manque de loyauté, si ce n’est dans la volonté, au moins dans le coup d’œil, le point de vue. J’avais fini par être tout désaccordée ; cependant j’ai repris le dessus.

Depuis ce moment, le monde m’apparaît sous une autre face ; mes sentiments sur la vie et les gens du Sud sont changés ; mon regard s’est éclairci et me laisse voir ce qu’il y a de plus noble dans le Sud. Quand on parle de ses esclaves, on commet une erreur en ne désignant ainsi que la race noire ; mais c’en est une aussi de considérer ses habitants comme un peuple composé seulement d’esclaves et de partisans de l’esclavage. Il y a, dans les États à esclaves du Sud, un peuple libre qui travaille en silence à l’œuvre de l’émancipation ; et, quand même il ne serait pas nombreux, « ne craignez rien, petite bande, la volonté de votre père est de vous donner l’empire. »

Il me semble également probable, par ce que je vois et entends ici, que la Géorgie deviendra l’un des pouvoirs di-