Aller au contenu

Page:Bremer - La Vie de famille dans le Nouveau-Monde vol 1.djvu/386

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
370
LA VIE DE FAMILLE

certain âge qui se trouvaient sur le pont secouait la tête : « Elles feront un sot de ce jeune homme, » dit-il. Je ne m’endormis que fort tard dans la nuit, par suite du bruit que firent ces voyageuses. Le lendemain était un dimanche ; la terre semblait le célébrer, tant la nature paraissait tranquille et parée. Les jeunes filles se tinrent en repos et se réunirent devant ma cabine, dont la porte du côté de la rivière était ouverte. Évidemment elles étaient disposées à entendre, à penser quelque chose de sérieux ; la paix du saint jour reposait sur elles. Et si un semeur, envoyé du ciel, avait répandu dans ce moment la semence de la vérité et l’idée d’une vie plus élevée dans ces jeunes âmes, le grain serait assurément tombé en bonne terre. Les pères et mères du Nouveau Monde ne paraissent pas avoir bien médité ce vieux et bon proverbe : « L’habitude est une seconde nature, » et celui-ci également bon : « Il est plus facile de barrer un ruisseau qu’une rivière. »

Vers la fin de ce jour, les jeunes filles furent débarquées, et des bateaux se détachèrent des plantations pour les prendre ; j’entendis des voix pleines d’amour leur souhaiter la bien-venue, et vis des feux amis briller dans l’obscurité, car la nouvelle lune était déjà couchée. Les ténèbres sont fort obscures ici à cette époque de l’année, tandis que, chez nous, le rouge du soir éclaire le ciel et la terre jusqu’à ce qu’il se transforme en aurore.

Je m’étais embarquée à Savannah le samedi après dîner. Le lundi matin, j’étais à Augusta. M. Bones vint me prendre avec sa voiture pour me conduire chez lui, où je fus accueillie avec infiniment d’amitié par sa femme, charmante Irlandaise, et par Hanna Longstreet, la pâle fille du Sud, que j’ai vue pour la première fois lors de ma traversée sur l’Océan. Je remarquai avec joie que sa santé était