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Page:Bremer - La Vie de famille dans le Nouveau-Monde vol 1.djvu/419

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DANS LE NOUVEAU-MONDE.

rouges où retentissent les chansons des nègres ! Adieu aimables et bons habitants amis des esclaves et non de l’esclavage ! Quand mon regard se dirigera en esprit vers le Sud, je penserai à vous, et en vous à l’avenir de la Caroline et de la Géorgie. Je vous verrai sous vos palmettes ou dans vos bosquets de magnolias et d’orangers, tous les fruits de la terre étalés devant vous sur votre table hospitalière ; je vous verrai, comme tant de fois, distribuant vos dons à l’étranger, aux nécessiteux, aux enfants de tous les peuples. Je verrai autour de vous les nègres, vos serviteurs et amis, que vous aurez émancipés, chantant les hymnes que vous leur avez apprises, les joyeuses chansons qu’ils ont composées.

P. S. Je veux te parler d’un autre mystère de Charleston, car je l’ai vu souvent se glisser comme une ombre et passer rapidement dans les rues et les ruelles. Il ressemble à une femme pauvrement vêtue en robe couleur de crépuscule. On l’appelle M. le docteur Suzan, car elle est le médecin et l’aide des pauvres. Elle appartient à l’une des premières familles de la ville ; ayant commis une faute dans sa jeunesse, elle a été expulsée de la société, qui, dans l’Amérique du Nord, supporte beaucoup d’immoralité secrète, mais rien d’ostensible. Peut-être qu’après bien des années elle aurait pardonné à la jeune pécheresse et lui aurait de nouveau ouvert ses rangs ; mais elle ne rechercha point le misérable pardon des hommes, son cœur et son regard se dirigèrent vers un but plus élevé : elle devint la servante de Dieu chez ses serviteurs pauvres. Depuis lors, on ne la trouve que chez eux ou en route pour y aller. Ce qu’on lui donne en argent, en vêtements, elle l’emploie pour eux et vit dans une pauvreté volontaire. Les nègres de la maison de madame Howland furent une fois tellement