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Page:Bremer - La Vie de famille dans le Nouveau-Monde vol 1.djvu/44

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LA VIE DE FAMILLE

Samedi, 20 octobre.

Je n’ai pas écrit depuis bien des jours : tant de gens et de distractions se sont emparés de mon temps ! Je vais maintenant te dire ce qui m’est arrivé de plus essentiel dans cet intervalle. Je n’ai pas encore reçu de lettres de la maison ; j’aspire, j’aspire à en recevoir.

Je jouis beaucoup de la vie nouvelle de ce pays et de ses fruits hespériques ; faut-il leur attribuer cet effet, ou bien à l’air jeune, vivifiant du Nouveau-Monde (nous avons depuis quelques jours un temps superbe), aux impressions que je reçois en masse journellement ? Je sens les cordes de la vie résonner, pour ainsi dire, avec plus d’élan, et mon pouls battre parfois d’une manière fébrile. Je sens que je bois un nectar intellectuel et terrestre : c’est une boisson divine, mais presque trop forte pour une faible mortelle, du moins si elle en fait un usage journalier. Cette vie sociale si active est fatigante aussi, malgré son charme et ses agréments. M. et madame Downing n’ont pas d’enfants ; ils vivent pour ce que la vie a de beau, d’agréable dans un cercle d’amis et de voisins choisis, la plupart établis sur les beaux rivages de l’Hudson ; un commerce gai, facile, paraît appartenir au caractère de la vie de ce cercle. On va continuellement de l’un chez l’autre. Les bords de l’Hudson sont dans toute leur magnificence depuis que l’automne est établi, depuis que leurs forêts et leurs montagnes, où se trouve une grande variété d’arbres, resplendissent de leurs plus belles couleurs, passant du jaune clair au rouge écarlate ; mais c’est trop joli, d’un éclat surchargé d’ornements trop voisin du chaos pour plaire réellement à mes yeux, qui demandent plus d’unité. Il y a maintenant ici surabondance de fruits, des plus belles