Aller au contenu

Page:Broglie - La morale évolutioniste.djvu/11

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

C’est donc vraisemblablement tôt ou tard la doctrine la plus extrême qui doit triompher et passer dans l’enseignement officiel. Cette doctrine peut dès lors espérer avoir en sa faveur, outre la connivence du cœur humain et de ses passions, l’appui de la force sociale personnifiée dans l’État. Son triomphe dans un grand nombre d’esprit n’est pas un danger imaginaire ; c’est au contraire une éventualité imminente et probable.

Il importe de savoir en quoi consiste cette nouvelle doctrine qui monte à l’horizon, et qui menace d’éclipser jusqu’à la morale athée que j’ai combattue l’an dernier. C’est le but de cet article et des suivants qui formeront ainsi le complément de ceux que j’ai publiés précédemment sur la morale

Nous pouvons, d’après son caractère principal et sa thèse fondamentale, nommer la nouvelle doctrine morale évolutioniste. C’est en effet sur le système de l’évolution, sur cette gigantesque hypothèse qui prétend résoudre tous les problèmes et expliquer l’univers entier sans avoir recours à une cause première, que s’appuie cette négation de l’antique morale. Ses partisans tirent de ce système deux conséquences, l’une relative à son avenir. Chacune mérite un examen attentif.


I


L’homme, suivant le système de l’évolution, n’est autre chose qu’un animal perfectionné. Sous l’Influence soit d’une fatalité qui pousse la nature dans la voie du progrès, soit du hasard et de la lutte de la vie qui fait triompher les êtres les mieux constitués, les êtres vivants se sont développés à partir des germes les plus simples et les plus petits, et ont acquis graduellement des facultés nouvelles et des organes que leurs pères ne possédaient pas. L’homme est un des termes d’une série progressive, il descend d’un anthropoïde moins parfait et moins bien organisé que lui-même ; celui-ci, d’un autre moins parfait encore et se rattache, en remontant d-ancêtres, a quelqu’un des rameaux de la classe des mammifères. S’il n’est pas proprement le descendant du singe, il en est au moins le cousin plus ou moins éloigné et pourrait, par une généalogie bien faite, remonter à l’auteur commun d’où descendent avec lui ses congénères qui habitent les forêts de l’Afrique et les savanes du nouveau monde.

Je n’ai point, en ce moment, à apprécier ce système ; je me contente de l’exposer. À un certain moment, dans cette marche progressive, les anthropoïdes ont acquis la faculté du langage, et leur