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Page:Broglie - La morale évolutioniste.djvu/36

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de destruction qu’ils trouvent la puissance d’accomplir leurs fonctions si variées. Que le mouvement s’arrête, et ils deviendront impuissants et tomberont sous le joug des fonces inorganiques. Entre l’atome chimique et la cellule vivante. il y a une transition brusque, un principe nouveau, et de ce principe sort un monde nouveau, le monde de la vie, tout différent de celui de la matière inorganique.

De même, nous trouvons dans l’animal une intelligence qui a son champ limité, celui des sensations et. des relations actuelles avec les êtres visibles qui l’entourent. Il a une forme de pensée et de jugement que nous ne pouvons que deviner, mais dont les limites nous sont connues ; elles ne s’élèvent jamais au-delà du visible et du relatif. L’homme, au contraire, possède cette faculté spéciale qui saisit l’universel et l’absolu, faculté qui se traduit par le langage et se manifeste dans la moindre phrase. Cette faculté transcendante. cette forme vitale spéciale de la pensée, qui consiste, comme la vie organique, en décomposition et recomposition, décomposition par l’abstraction et recomposition par le jugement, est un organe d’une fécondité merveilleuse qui ouvre devant l’homme les horizons de l’idéal, de l’invisible, et de l’absolu. Toutes les variétés de la pensée, toutes tes conceptions de la philosophie, les beautés de la littérature et de l’art, s’appuient sur la phrase composée du sujet, de l’attribut, comme toutes les fonctions du règne végétal et animal, et toute la variété des êtres qu’il contient, reposent sur les cellules vitales dont leurs tissus sont composés. Entre l’intelligence de l’être qui ne parle pas, parce qu’il ne sait pas abstraire et affirmer. et l’intelligence de celui qui parle, il y a une différence analogue à celle qui existe entre l’être qui ne vit pas, qui demeure immobile dans son existence inerte, et l’être vivant qui se nourrit et dont la substance se meut constamment en suivant les mailles d’un invisible tissu. De part et d’autre, il y a rupture de continuité dans la chaîne des êtres. et le système de l’évolution graduelle se trouve convaincu d’erreur. Nier cette discontinuité, c’est nier l’expérience même, c’est substituer aux faits des théories arbitraires.

Nous pouvons donner une nouvelle preuve de cette vérité et nous appuyer sur les arguments mêmes que nos adversaires allèguent. Afin d’essayer de combler l’abîme qui sépare l’homme de l’animal, les évolutionistes s’efforcent d’accumuler un grand nombre de faits extraordinaires d’intelligence des animaux ; ils nous montrent l’éléphant traînant des pièces de bois et faisant sa journée de travail comme un ouvrier, le chien allant acheter pour son maître quelque objet et portant fidèlement le prix au marchand. Ils s’efforcent de prouver que le jugement, le raisonnement même se trouvent chez