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Page:Broglie - Souvenirs, 1785-1817.djvu/123

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J’y retrouvai ma mère, tout entière à ses préoccupations domestiques, à ses livres, à ses correspondances charmantes, toujours la même, toujours bonne, vive, gaie, d’une égalité d’humeur incomparable, d’une inépuisable conversation, s’intéressant à tout, et renonçant à tout sans le moindre effort. Dans ma première jeunesse, j’ai passé plusieurs hivers seul avec elle, sans un seul instant de vide ni d’ennui. Dans les moments les plus difficiles de ma vie, sa prudence m’a toujours été d’un grand secours. Nous l’appelions, entre nous, madame de Sévigné, et, pour qui l’a connue, il n’y avait là rien de trop.

Je fus bientôt rappelé à Paris.

Je rentrai au conseil d’État avec faculté d’assister aux séances impériales, et je fus, sur ma demande, attaché à l’administration des ponts et chaussées.

M. Molé venait d’être placé à la tête de cette administration. Né en 1780, il n’avait que cinq ans de plus que moi. Sa carrière avait été rapide. Plusieurs causes avaient concouru à le placer promptement hors de pair : son nom d’abord, l’empereur aimait les noms historiques ; la petite société à laquelle il appartenait : j’ai déjà parlé de la petite coterie de M. de Chateaubriand, de M. Joubert, de M. de