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Page:Broglie - Souvenirs, 1785-1817.djvu/124

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Fontanes, etc., M. Molé, tout jeune encore, en était l’espérance ; enfin un livre qu’il publia, sous le nom d’Essais de morale et de politique, livre conçu dans l’esprit de réaction ultra-monarchique, qui prédominait à cette époque, mais écrit dans un langage grave et sobre, qui sentait le xviie siècle. Il y avait là beaucoup à reprendre, sans doute, et lui-même a fait, plus tard, très bon marché de son ouvrage. Rien n’y était cependant d’une main vulgaire, et je l’ai fait lire à plus d’un des détracteurs de M. Molé, qui n’ont pu, à leur très grand regret, se défendre de lui rendre quelque justice.

Ce fut M. de Fontanes qui fit connaître à l’empereur le livre et l’auteur ; mais ce fut l’auteur lui-même qui fit, auprès du maître, sa propre fortune.

L’empereur était un grand génie, il était le plus grand des capitaines ; mais il était aussi le plus grand des causeurs. Rien n’égalait, quand il voulait plaire, au dire des connaisseurs qui l’ont approché, la grâce, la variété, la fécondité de sa conversation sur tous les sujets. Le rang suprême n’y gâtait rien sans doute, et donnait du prix aux moindres choses ; mais il y avait là tout autre chose que les moindres choses.

M. Mole était le premier des écouteurs. Il entrait,