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Page:Broglie - Souvenirs, 1785-1817.djvu/132

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une guirlande qui le décorait s’enflammer tout à coup ; je vis, je vois encore Castellane, mon compagnon d’enfance, hissé sur ses grandes jambes, étendant ses grands bras pour arracher le brandon fumant ; je vis, je vois encore l’empereur, avec le coup d’œil et la décision des champs de bataille, saisissant le bras de l’impératrice, l’entraînant d’un pas rapide mais égal et mesuré, indiquant de la main qui lui restait libre les différentes issues aux effarés, qui criaient sans bouger de place, et descendant, en se retournant pour contempler l’étendue du mal, le petit escalier qui conduisait au jardin.

Bien lui en prit, de n’avoir pas hésité ; car à peine son pied avait-il touché le gazon, que tous les lustres tombaient avec un fracas épouvantable du plafond sur le plancher ; à peine avait-il franchi le dernier jardin que l’escalier lui-même croulait sous le poids des fuyards.

Je vis, je vois encore le pauvre prince Kourakin, perclus de goutte, couvert de diamants, rouler son énormité sous les décombres, et le général Hulot, le frère de la maréchale Moreau, employant à l’en dégager le bras qui lui restait. J’entends encore les cris déchirants des victimes, et les cris non