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Page:Broglie - Souvenirs, 1785-1817.djvu/140

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Une fois entré dans le torrent, il ne me fut plus possible de m’en dégager. Je fus entraîné d’abord, puis porté en quelque sorte, très près de l’échafaud dressé à l’entrée des Champs-Élysées. Je n’entendis ni les paroles prononcées par le roi, ni son dialogue avec l’abbé Edgeworth ; mais, en promenant mes regards sur la foule qui poussait des clameurs féroces, je crus remarquer sur les visages plus de terreur que de fureur. Quand l’exécuteur des hautes-œuvres leur montra la tête sanglante, toute cette foule qui couvrait la place depuis la rivière jusqu’au Garde-Meuble, fit entendre comme un seul homme un seul cri : Vive la nation ! et se dispersa à toutes jambes. Quelques minutes après, il n’y avait plus sur la place, que le bourreau et son cortège.

Resté simple particulier sous la République conventionnelle et sous la République directoriale, M. Pasquier était sur le point d’entrer au conseil d’État dans la dernière année du Consulat, lorsque le meurtre du duc d’Enghien le détourna de tout effort pour y parvenir. Quelques années plus tard, il fut nommé maître des requêtes, et bientôt, comme M. Mole, il s’éleva, grâce à son nom et à son mérite personnel, au rang de conseiller d’État ;