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Page:Broglie - Souvenirs, 1785-1817.djvu/150

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et livrés à la torture, je ne vis pas grand’chose, en supposant qu’il restât quelque chose à voir, à travers les décombres de tant de villages incendiés. Nous cheminâmes environ quinze jours, y compris un séjour de vingt-quatre heures à Vittoria, et un autre séjour de pareille durée à Burgos ;nous atteignîmes enfin Valladolid ; c’était là que le maréchal Bessières avait établi son quartier général. M. Dudon nous y avait précédés et nous y attendait.

Le maréchal Bessières, tué depuis (en 1813) à la bataille de Lutzen, était grand, sec, un peu voûté, les cheveux plats et poudrés, l’abord froid et poli. Comme tous les militaires, il ne voyait pas de trop bon œil les auxiliaires civils qu’on lui envoyait, et préférait ses commissaires des guerres ; il nous reçut pourtant assez bien.

M. Dudon, alors âgé de trente-cinq ans, tout au moins, appartenait à une bonne famille du parlement de Bordeaux ; il avait commencé sa carrière dans la magistrature, comme substitut ; au Conseil d’État, comme auditeur. Il lui était arrivé, dans ces deux fonctions, deux malheurs de genres différents. Portant la parole dans un procès en séparation célèbre et scandaleux, il avait conclu en