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Page:Broglie - Souvenirs, 1785-1817.djvu/225

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comme toutes les autres, à Cracovie, un hiver animé et un carnaval en règle. Les bals étaient gais ; les réunions brillantes ; les dames mises avec goût ; je doute qu’aujourd’hui même, en France même, un hiver de Lyon ou de Bordeaux égale ce que j’ai vu, de mes yeux vu, en ce temps et en ce pays-là.

Je formai pendant mon séjour dans cette ville quelques liaisons avec l’état-major du prince Poniatowski, et avec le prince lui-même. L’état-major était composé des jeunes gens des premières familles du grand-duché, et ressemblait trait pour trait à un état-major français, sous cette unique réserve que l’enthousiasme patriotique y remplaçait l’ardeur de l’avancement et l’enthousiasme impérial. Quant au prince, il était impossible de le connaître sans s’y attacher.

Sur le champ de bataille, d’un commun aveu, ce n’était pas un brave, c’était un héros dans ses rapports avec la France, ce n’était pas un homme loyal, c’était un chevalier, et sa fidélité était d’autant plus méritoire qu’il ne se faisait pas la moindre illusion ; il tenait sa cause pour désespérée ; il marchait droit et la tête haute au sort qui l’attendait, et qu’il n’a pas tardé à rencontrer. Dans l’habitude de la vie, c’était un grand seigneur du dernier