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Page:Broglie - Souvenirs, 1785-1817.djvu/266

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depuis le parterre jusqu’au paradis, et se renouvelèrent à plusieurs reprises. J’oublierai encore moins une autre scène dont je fus témoin deux jours après celle-là. J’étais au Vaudeville. La police y faisait représenter une pièce de circonstance où les Cosaques pillaient un village, poursuivaient les jeunes filles et mettaient le feu aux granges ; la pièce fut sifflée outrageusement dès le début, interrompue par les clameurs du parterre, et ne put aller jusqu’au bout.

Que souhaitait le public qui se livrait à ces démonstrations ardentes ? Il n’en savait rien, il ne pensait point aux Bourbons, il n’appelait point les alliés de ses vœux, il ne songeait point à la régence il se passait simplement une fantaisie de colère, arrive que pourra.

On se fait à tout. Les alternatives de succès et de revers pendant la courte campagne de France, avaient tellement démonté les esprits et déconcerté les conjectures, que, le jour où l’on apprit l’approche des alliés personne n’y voulait croire. Il fallut que le bruit du canon et le spectacle des paysans se réfugiant dans les faubourgs avec leurs familles, leurs meubles, leurs bestiaux, vint triompher de l’incrédulité générale.