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Page:Broglie - Souvenirs, 1785-1817.djvu/268

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posée de gens bien mis, de femmes en négligé élégant, c’était presque une promenade publique. Les boutiques, d’abord soigneusement fermées se rouvraient à demi ; les restaurants se remplissaient d’hommes et de femmes qui déjeunaient à la hâte ; on entendait le bruit du combat, très distinctement, on dit même que quelques obus tombèrent dans les rues adjacentes, mais je n’en crois rien. Les nouvelles qui circulaient étaient, comme on peut le penser, très diverses, et très contradictoires ; personne ne croyait à rien ; tout le monde s’attendait à tout.

À la tombée de la nuit, nous revînmes au logis. Je demeurais encore à cette époque dans la rue de la Madeleine. Avant de rentrer, je m’arrêtai quelques instants dans la rue des Champs-Élysées ; chez madame la duchesse d’Abrantès ; j’y trouvai le général Kellermann, que je n’avais pas revu depuis mon séjour à Valladolid ; il y racontait le combat du matin, les pourparlers engagés, la capitulation prochaine, le départ de la régente, des ministres, du gouvernement tout entier. Ne pouvant rien pour mon pauvre pays, je résolus, du moins, de ne pas assister à l’occupation de Paris par l’ennemi. Je me tins renfermé chez moi, je ne vis ni le triste défilé