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Page:Broglie - Souvenirs, 1785-1817.djvu/304

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bal avant minuit, et ce fut en sortant, si j’ai bonne mémoire, que j’entendis pour la première fois parler à voix basse du débarquement de l’empereur à Cannes. Le gouvernement l’avait appris dès le matin. Le lendemain la nouvelle était publique.

Je dois cette justice à madame de Staël, qu’elle ne s’y méprit pas un instant. Dès le premier mot, elle vit le bout des choses : l’armée en révolte, le pays résigné, le royalisme en déroute, et l’empereur aux Tuileries. Elle écouta avec la plus tranquille incrédulité, plutôt même avec un peu de compassion contenue, le déluge de promesses et de menaces, d’invectives et d’imprécations qu’on vociférait autour d’elle ; exhortant chacun à faire son devoir par respect pour soi-même, pour l’honneur de la cause et du drapeau, mais sans pousser personne à se compromettre, avec un amour persévérant pour la France quand même, mais pas la moindre confiance dans la France du moment.

Son parti fut également pris sur-le-champ.

Elle avait obtenu de Louis XVIII la promesse de faire inscrire, au nombre des dettes de la famille royale que la France prenait à son compte, les deux millions généreusement prêtés par M. Necker à Louis XVI, et certes cela était doublement juste ;