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Page:Broglie - Souvenirs, 1785-1817.djvu/31

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J’ai connu ce Trébout ; il m’a souvent vanté ses bons offices ; c’était un honnête garçon, bien que, sous une écorce de familiarité grossière, il ne manquât point de vanité.

Pour mieux cacher son projet d’évasion, ma mère nous avait mandés à Vesoul, mes sœurs et moi. Nous arrivâmes précisément au moment où on la cherchait, sans la trouver, et je n’oublierai, de ma vie, la consternation du concierge, l’air effaré des gardiens, l’effroi des prisonniers qui tremblaient de voir s’aggraver leur captivité, en un mot tout le fracas d’un tel événement. Les domestiques qui nous conduisaient, jugeant, avec raison, qu’il ne faisait bon là pour personne, se hâtèrent de nous emmener. Je ne suis plus rentré, depuis ce moment, dans la prison de Vesoul, mais je ne traverse jamais cette ville, ce qui m’arrive assez souvent, sans être assailli de souvenirs dont j’ai peine à me défendre.

J’ai passé à Saint-Remy le temps qui s’est écoulé entre l’évasion de ma mère et son retour. Saint-Remy était séquestré ; on mit le mobilier en vente. J’assistais à l’enchère, assis à côté du crieur public, et criant avec lui, sans doute par pur diver-