Aller au contenu

Page:Broglie - Souvenirs, 1785-1817.djvu/30

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la gendarmerie, qu’il lui offrit un moyen sûr et facile de s’échapper, moyen dont mon père ne voulut pas profiter.

Il fut enfermé à Paris dans la prison de la Bourbe, alors nommée Port-Libre apparemment par dérision.

Il périt le 9 messidor an ii (27 juin 1794), un mois jour pour jour avant le 9 thermidor.

Ma mère, réservée au même sort, s’étant offerte pour travailler à la lingerie de la prison, réussit à prendre sur un morceau de cire l’empreinte de la clef qui ouvrait sur le grenier, le grenier lui-même communiquant avec le dehors. Un vieux domestique, attaché dès longtemps à la maison de Rosen, fit fabriquer une clef d’après cette empreinte, prit ses mesures seul, secrètement, à notre insu, attendit ma mère, de nuit, à la porte de la prison, et la conduisit en Suisse, en lui faisant traverser les gorges du Jura. Une famille de maître de poste, dont l’établissement était situé entre Vesoul et Saint-Cergues, la reçut et la cacha pendant quelques jours. Un habitant de Saint-Cergues nommé Trébout, qui faisait en quelque sorte métier de favoriser l’émigration de France en Suisse, s’employa dans cette occasion comme dans beaucoup d’autres.