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Page:Broglie - Souvenirs, 1785-1817.djvu/366

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dure ; le bruit monotone des ruisseaux formait comme une basse continue aux chants joyeux et harmonieux des villageois ; toute la nature semblait en habit et en accents de fête.

Nous ne passâmes qu’un jour à Bologne. La ville était triste et déserte. Toute l’élite de la population avait pris part, qui plus, qui moins, à l’entreprise insensée de Murat. Chacun se sentait menacé dans son existence ou dans sa fortune ; les plus compromis s’étaient éloignés ; les autres, ou s’étaient retirés à la campagne, ou se tenaient renfermés dans leurs maisons. Tout rapport avec madame de Staël leur eût probablement été funeste.

Nous fîmes, en revanche, quelque séjour à Milan. Je connaissais déjà toute la partie extérieure de la ville, la cathédrale, la Brera, les principaux monuments ; j’avais vu et admiré ce qui reste de la Cène, malheureusement bien enfumée, de Léonard de Vinci ; mais, ainsi que je l’ai dit en son temps, je n’y avais vu personne. Cette fois, il en fut autrement : madame de Staël y était connue ; son salon d’auberge ne restait jamais vide. J’y vis arriver, des premiers, le poète Monti, célèbre alors, peut-être même encore aujourd’hui, mais triste à cette époque, et fort décrié. La réaction