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Page:Broglie - Souvenirs, 1785-1817.djvu/381

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étudier la législation anglaise, étude qui m’a coûté tant de peine et de temps.

Je quittai, bien à regret, la Suisse dans les premiers jours d’octobre. J’étais appelé à Paris par mes affaires privées et par le désir de m’établir à proximité de la maison qu’habiterait madame de Staël ; mon beau-frère m’y accompagnait pour choisir lui-même cette maison. Presque au moment de notre départ, nous vîmes arriver de Lausanne à Coppet les deux patriarches de cette petite secte ou église mystique dont j’ai parlé à propos de Benjamin Constant et de son quart de conversion. L’un des deux, M. Gauthier, vieux et réellement malade, ne fit que passer. L’autre, M. de Langallerie, moins âgé, et malade, tout au plus, du bout des lèvres, nous resta quelque peu. C’était un petit homme, tout gros, tout rond, tout court, un peu vaniteux, un peu gourmand, tel à peu près que les contes grivois du dernier siècle figurent un confesseur de couvent, un directeur de dévotes. Il était difficile de ne pas sourire quand on l’entendait gémir sur son pauvre estomac, en faisant honneur au dîner, et sur ses insomnies, quand on le voyait ronfler à cœur joie dans un bon fauteuil. Son ton doucereux, insinuant, nasillard, était tout à fait impa-