Aller au contenu

Page:Broglie - Souvenirs, 1785-1817.djvu/403

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dans les vieux romans espagnols, faisaient, à la porte des couvents, compter leurs plaies et toucher leurs ulcères. Adolphe est le premier, sinon en ordre de date, du moins en ordre de genre, le premier dis-je, de ces nouveaux Guzman d’Alfarache, de ces nouveaux Lazarille de Tormès. Il n’avait, d’ailleurs, rien de bien nouveau pour moi. Benjamin Constant en avait fait plusieurs lectures pendant les Cent-Jours, une entre autres, à laquelle j’assistai, chez madame Récamier, et qui mérite d’être rappelée ici, ne l’ayant pas été à sa date.

Nous étions douze ou quinze assistants. La lecture avait duré, près de trois heures. L’auteur était fatigué ; à mesure qu’il approchait du dénouement, son émotion augmentait, et sa fatigue accroissait son émotion. À la fin, il ne put la contenir il éclata en sanglots ; la contagion gagna la réunion tout entière, elle-même fort émue ; ce ne fut que pleurs et gémissements ; puis, tout à coup, par une péripétie physiologique qui n’est pas rare, au dire des médecins, les sanglots devenus convulsifs tournèrent en éclats de rire nerveux et insurmontables, si bien que qui serait entré, en ce moment, et aurait surpris, en cet état, l’auteur