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Page:Broglie - Souvenirs, 1785-1817.djvu/73

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garde (hélas ! c’est aussi le mot propre) de l’un des plus brillants et des plus justement honorés parmi les aides de camp de l’empereur, le général Reille. Nous étions l’une de leurs étapes ; leur maison, leurs cuisiniers les précédaient fort heureusement, car le nôtre aurait été fort en peine de les servir à leur goût.

Partis de Poitiers, de très bonne heure, ils arrivèrent à midi ; ils arrivèrent, je crois, dans les voitures mêmes qui avaient conduit Philippe V en Espagne ; du moins n’ai-je vu de voitures pareilles que dans les tableaux contemporains du règne de Louis XIV. C’étaient d’énormes caisses dorées, garnies de glaces en avant, en arrière et sur les portières, de telle sorte que les voyageurs étaient condamnés à se tenir droits sur leurs sièges, sans pouvoir s’appuyer d’aucun côté. Ces caisses étaient suspendues par des courroies de cuir blanc dans un cadre de quatre énormes madriers dorés, auxquels il avait été très difficile d’ajuster un attelage de chevaux de poste. Huit domestiques à la livrée de Bourbon venaient de Bayonne debout derrière les caisses, comme s’il se fût agi de faire un tour au Prado en équipage de gala. Tout cet attirail, moitié somp-